Laurent Per­rin,
Sor­bonne uni­ver­si­té, EA 4509 STIH (Sens Textes Infor­ma­tique His­toire)
Cahier de Praxé­ma­tique n°75, 2021.


  1. Avant-pro­pos de cadrage théorique

Telle qu’elle sera abor­dée dans cette étude, l’énonciation se situe à l’interface de ce qui a trait d’un côté au vaste champ de l’analyse prag­ma­tique et inter­ac­tion­nelle des dis­cours, de l’autre à celui de la séman­tique lin­guis­tique. Elle consti­tue l’élément fon­da­teur d’un recou­pe­ment de ces champs dis­ci­pli­naires. Par­tiel­le­ment codées dans la langue, les pro­prié­tés de l’énonciation qui vont nous inté­res­ser ne tiennent pas exclu­si­ve­ment aux effets contex­tuels asso­ciés à l’emploi de formes lin­guis­tiques des­crip­tives (pré­di­ca­tives et véri­dic­tives), rela­tives aux états de choses aux­quels les énon­cés réfèrent. Elles pro­cèdent en outre d’instructions séman­tiques indi­ciaires (vs sym­bo­liques), asso­ciées à cer­taines infor­ma­tions extra-pré­di­ca­tives (aus­si appe­lées mon­trées ou démons­tra­tives), déli­vrées par diverses sortes de moda­li­sa­teurs, connec­teurs argu­men­ta­tifs, ou autres formes de mar­queurs dis­cur­sifs.[1]Une telle oppo­si­tion s’appuie sur une dis­tinc­tion de Witt­gen­stein (1922), dont s’inspire notam­ment Ducrot (1984, 151), visant à rendre compte de ce qui dis­tingue deux com­po­santes com­plé­men­taires irré­duc­tibles du sens lin­guis­tique des énon­cés, consis­tant res­pec­ti­ve­ment à décrire dif­fé­rents états de choses aux­quels ils réfèrent, et à mon­trer cer­taines de leurs pro­prié­tés énon­cia­tives. Voir à ce sujet l’ouvrage col­lec­tif diri­gé par Constan­tin de Cha­nay, Colas-Blaise & Le Guern (2013). Quant à ce qui carac­té­rise sous cet angle les mar­queurs dis­cur­sifs qui vont ici … Conti­nue rea­ding

Les mar­queurs en ques­tion (en gras dans nos exemples) ne consistent donc pas à décrire, mais nous dirons à moda­li­ser démons­tra­ti­ve­ment la prise en charge ou par­fois la simple prise en compte de dif­fé­rents points de vue argu­men­ta­tifs (en ita­liques), impu­tés à des énon­cia­teurs plus ou moins iden­ti­fiables. Attri­bués par défaut au locu­teur res­pon­sable de l’énonciation, iden­ti­fiable à un sujet par­lant empi­rique le cas échéant, les points de vue en ques­tion peuvent être aus­si dévo­lus démons­tra­ti­ve­ment à un des­ti­na­taire à qui le locu­teur s’adresse, iden­ti­fiable à un inter­lo­cu­teur du sujet par­lant, ou encore à un sujet tiers exclu de l’interlocution. Autre­ment dit, les actes de parole effec­tifs aux­quels donne lieu l’énonciation au plan prag­ma­tique et inter­ac­tion­nel – dont pro­cède l’organisation de ce que nous appel­le­rons la scène dis­cur­sive – ont une contre­par­tie séman­tique que nous dirons scé­no­gra­phique, impli­quant les voix et points de vue d’instances énon­cia­tives vir­tuelles. La notion de moda­li­sa­tion énon­cia­tive ou démons­tra­tive s’appliquera dans ce cadre à cer­taines ins­truc­tions séman­tiques dites par­fois poly­pho­niques (au sens de Ducrot 1984) ou encore dia­lo­giques (au sens de Bres, Nowa­kows­ka & Sarale 2019), déter­mi­nant les pro­prié­tés scé­no­gra­phiques de l’énonciation.[2]Emprun­tées à Main­gue­neau (1999), les notions de scène dis­cur­sive et de scé­no­gra­phie énon­cia­tive s’appliqueront ici res­pec­ti­ve­ment aux pro­prié­tés des inter­ac­tions ver­bales dont pro­cède le dia­logue, et à l’organisation dia­lo­gique-poly­pho­nique asso­ciée aux mar­queurs dis­cur­sifs qui s’y rap­portent. Ins­pi­rée de Bakh­tine, la séman­tique poly­pho­nique de Ducrot (1984) est main­te­nant bien connue, tout comme les ana­lyses poly­pho­niques appli­quées ces der­nières années à dif­fé­rents mar­queurs (voir par exemple les numé­ros 154 et 161 de la revue Langue fran­çaise). Outre celle des … Conti­nue rea­ding

Nous allons nous inté­res­ser plus par­ti­cu­liè­re­ment, dans cette étude, à un sous-ensemble de mar­queurs dis­cur­sifs, dont les ins­truc­tions démons­tra­tives se rap­portent aux des­ti­na­taires des énon­cés dont ils moda­lisent l’énonciation. Les notions de dia­lo­gisme et de dia­pho­nie (au sens de Rou­let & al. 1985) s’appliqueront ici à deux degrés d’inscription scé­no­gra­phique de ce qui a trait à l’adresse d’un énon­cé à un des­ti­na­taire vir­tuel. Nous par­le­rons de moda­li­sa­tion dia­lo­gique pour rendre compte de ce qui qua­li­fie une énon­cia­tion comme adres­sée au sens faible à un quel­conque des­ti­na­taire, dans le cadre d’une inter­ven­tion asso­ciée à un échange de paroles (id.). Et nous par­le­rons de moda­li­sa­tion dia­pho­nique pour rendre compte de ce qui qua­li­fie en outre cette énon­cia­tion comme inté­grant une forme ou une autre de reprise, par le locu­teur, d’un point de vue de ce des­ti­na­taire, à qui ce der­nier s’adresse alors au sens fort. Une part signi­fi­ca­tive des séquences dis­cur­sives intègrent des reprises dia­pho­niques de ce genre, asso­ciées à la contre­par­tie scé­no­gra­phique de ce qui consti­tue les réponses échoïques d’un sujet par­lant à son inter­lo­cu­teur au plan scé­nique.[3]L’un des inté­rêts majeurs des recherches gene­voises autour d’Eddy Rou­let, dans les années 1980–2000, est d’avoir ten­té d’articuler la séman­tique énon­cia­tive de Ducrot, issue d’une prag­ma­tique inté­grée de tra­di­tion conti­nen­tale, aux recherches socio-inter­ac­tion­nelles amé­ri­caines, issues notam­ment de Goff­man (1973). Les ana­lyses de Ker­brat-Orec­chio­ni (1990) relèvent d’une entre­prise ana­logue. Quant aux reprises dia­pho­niques dont il sera ici ques­tion, elles pro­cèdent d’un sous-ensemble de formes poly­pho­niques au plan scé­no­gra­phique, assor­ties des effets échoïques … Conti­nue rea­ding

Compte tenu de ce qui arti­cule les reprises dia­pho­niques scé­no­gra­phiques à cer­tains effets échoïques au plan scé­nique, nos obser­va­tions seront fon­dées sur l’analyse d’exemples authen­tiques orga­ni­sés selon trois sortes de cor­ré­la­tions entre scé­no­gra­phie énon­cia­tive et scène dis­cur­sive. Nous com­men­ce­rons par exa­mi­ner les pro­prié­tés séman­ti­co-prag­ma­tiques de reprises que nous appel­le­rons proxi­males, asso­ciées à l’organisation d’échanges de paroles issus d’interactions conver­sa­tion­nelles effec­tives en face à face à l’oral. Nous pour­sui­vrons ensuite cet exa­men par l’analyse de reprises que nous dirons dis­tales, dont la fonc­tion scé­no­gra­phique est de recons­ti­tuer la cohé­sion d’échanges désyn­chro­ni­sés par le carac­tère indi­rect et dif­fé­ré des inter­ac­tions dont elles pro­cèdent. Et nous bou­cle­rons fina­le­ment cette étude par l’analyse de reprises asso­ciées à des échanges de paroles pure­ment fic­tifs, dont l’organisation scé­no­gra­phique n’est la contre­par­tie d’aucune inter­ac­tion dia­lo­gale effec­tive au plan scé­nique. L’objectif géné­ral de cette étude sera de faire res­sor­tir ce qui arti­cule sys­té­ma­ti­que­ment – sous l’angles des reprises dia­pho­niques à effets échoïques qui vont ici nous inté­res­ser – les pro­prié­tés énon­cia­tives scé­no­gra­phiques aux pro­prié­tés scé­niques de l’énonciation en contexte argumentatif.

  1. Reprises dia­pho­niques proxi­males en face à face

La scène dia­lo­gale et la scé­no­gra­phie dia­lo­gique des échanges de paroles sont comme le rec­to et le ver­so d’une même expé­rience asso­ciée aux inter­ac­tions ver­bales en face à face à l’oral. La suc­ces­sion dyna­mique des tours de parole au plan scé­nique consiste alors à enchaî­ner les inter­ven­tions consti­tu­tives d’échanges suc­ces­sifs en temps réel, arti­cu­lées par dif­fé­rents moda­li­sa­teurs et autres mar­queurs dis­cur­sifs au plan scé­no­gra­phique. La proxi­mi­té spa­tio-tem­po­relle des tours de parole auto­rise dès lors diverses formes de reprises dia­pho­niques par­fois impli­cites, par­fois assor­ties de répé­ti­tions ou encore de refor­mu­la­tions para­phras­tiques, consis­tant à faire écho aux pro­pos de l’interlocuteur en vue de ren­for­cer l’adresse, d’assurer la cohé­sion des échanges, et ce fai­sant la pour­suite du dia­logue. Consi­dé­rons à ce sujet un pre­mier exemple, emprun­té à Icart-Séguy (1976), ana­ly­sable comme une forme d’interview socio­lin­guis­tique au plan scé­nique, dans le cadre d’un groupe-femmes débat­tant de leur condition :

[A1] Mais vous avez fina­le­ment essen­tiel­le­ment vécu par­mi des femmes, jeune ?
[B1] Beau­coup ouieuh jeunes non, jeunes non. J’ai vécu par­mi des femmes âgées.
[A2] Non non je veux dire quand vous, vous étiez jeune.
[B2] Ah ! quand j’étais jeune, oui oui oui oui ! Depuis toute petite, je n’avais ni frère ni sœur, et je n’avais jamais eu d’amis.
[A3] Mais pour­quoi vous n’aviez pas d’amis ? Parce que quand même, dans le milieu de l’école vous auriez pu avoir des possibilités ?
[B3] A l’école ? A l’école ouiA l’école ouiMais euh…  Ce n’est pas pareil quand on est à l’école. Bon, vous sor­tez en récréa­tion, vous vous amu­sez. Mais j’étais de… d’un tem­pé­ra­ment très renfermé.

Le pre­mier tour de parole A1 cor­res­pond à une ques­tion de l’intervieweuse ani­ma­trice de la séance, consis­tant à ouvrir un échange de paroles. Rien n’indique ici séman­ti­que­ment que cette ques­tion fer­mée consiste en outre à faire écho à un point de vue de l’interviewée. Les mar­queurs « mais » et « fina­le­ment » ne consistent qu’à réorien­ter démons­tra­ti­ve­ment un point de vue sou­mis à l’aval de cette der­nière, que « fina­le­ment » moda­lise en outre comme une forme d’hétéro-reformulation (Gülich & Kot­schi 1983) d’un point de vue de source indé­ter­mi­née au plan scé­no­gra­phique. Le point de vue en ques­tion n’est ici que pris en compte dans la ques­tion de l’intervieweuse, sa prise en charge éven­tuelle étant sus­pen­due à la réponse atten­due de l’interviewée, à laquelle la locu­trice s’adresse alors au sens faible.

Dans la réponse B1 de l’interviewée en revanche, « oui » et « non » sont des mar­queurs dia­pho­niques à fonc­tion d’assentiment et res­pec­ti­ve­ment de réfu­ta­tion du point de vue pré­cé­dem­ment pris en compte par l’intervieweuse, asso­ciés suc­ces­si­ve­ment à une pre­mière refor­mu­la­tion échoïque anté­po­sée de ce point de vue, pré­sen­té comme pris en charge par la locu­trice (« Beau­coup oui »), ensuite à une double répé­ti­tion impli­quant une refor­mu­la­tion alter­na­tive du point de vue en ques­tion, désor­mais réfu­té par la locu­trice (« jeunes non, jeunes non »). Le mar­queur d’assentiment a pour fonc­tion ce fai­sant de coorien­ter le point de vue de la locu­trice avec celui de son inter­lo­cu­trice auquel elle fait écho dans sa réponse, tan­dis que celui de réfu­ta­tion les oppose. Dans les deux cas le point de vue moda­li­sé dans l’intervention réac­tive, sous cou­vert d’ajuster la réponse de la locu­trice à la ques­tion de l’intervieweuse, consiste en fait à accor­der la ques­tion à sa réponse. C’est à ce genre de reprises dia­pho­niques réac­tives au plan scé­no­gra­phique, assor­ties des effets échoïques qui s’y rap­portent au plan scé­nique, que sera consa­crée cette étude.

Nous ne nous attar­de­rons pas ici sur les effets démons­tra­tifs du mar­queur « euh » en B1, dont la fonc­tion scé­no­gra­phique n’est en rien dia­pho­nique ou même dia­lo­gique. Le mar­queur en ques­tion mani­feste en l’occurrence une forme d’hésitation de l’interviewée concer­nant la por­tée de l’adjectif « jeune » en A1, dont pro­cède ensuite la relance rec­ti­fi­ca­tive de l’intervieweuse en A2 (« Non non je veux dire… »), qui entraîne une nou­velle reprise échoïque de l’interviewée en B2 (« Ah ! quand j’étais jeune »), pré­fa­cée par un mar­queur dia­pho­nique de prise en compte sur­prise (« Ah !), et dans la por­tée rétro­ac­tive d’une qua­druple répé­ti­tion inten­sive du mar­queur d’assentiment post­po­sé (« oui oui oui oui »).[4]Pour une vue géné­rale des fonc­tions prag­ma­tiques asso­ciées à ce type de reprises dia­pho­niques proxi­males en contexte conver­sa­tion­nel, je ren­voie à Per­rin, Deshaies & Para­dis (2003).

Cette inter­ven­tion B2 consti­tue un point char­nière du dia­logue, dans la mesure où le point de vue que refor­mule alors l’interviewée, pré­ten­du­ment conforme à la cor­rec­tion A2 de l’intervieweuse, ne s’accorde en fait nul­le­ment à celui for­mu­lé ini­tia­le­ment en A1 et relan­cé en A2, rela­tif à l’entourage fémi­nin de l’interviewée qui inté­resse l’intervieweuse. Par-delà l’automatisme qua­si réflexe des réajus­te­ments de points de vue dont il vient d’être ques­tion, l’interviewée pour­suit imper­tur­ba­ble­ment en B2 son argu­men­ta­tion sur la soli­tude de son enfance entou­rée d’adultes (« je n’avais ni frère ni sœur, et je n’avais jamais eu d’amis »). L’intervention B2 de l’interviewée confirme ain­si que sous cou­vert d’ajuster ses réponses aux ques­tions de l’intervieweuse, les effets échoïques asso­ciés au reprises dia­pho­niques consistent en fait inver­se­ment à réac­cor­der au coup par coup, à l’insu de sa bonne foi sans doute, les ques­tions posées à ses réponses au plan scé­nique.[5]Le pro­cé­dé en ques­tion peut être par­fois plus ou moins sciem­ment exploi­té dans le dia­logue, notam­ment par les poli­tiques, en vue d’infléchir ou par­fois de mani­pu­ler, sans en avoir l’air, l’orientation cri­tique des ques­tions de leurs adver­saires.

Confor­mé­ment à son rôle scé­nique d’enquêtrice atten­tive et modé­rée, l’intervieweuse révise ensuite ses objec­tifs en A3, par une ques­tion ouverte adres­sée à l’interviewée (en « pour­quoi ? ») sur les rai­sons de l’isolement dont elle a souf­fert dans son enfance, assor­tie d’un argu­ment (en « parce que ») moda­li­sé comme anti-orien­té (par « mais », « quand même ») au point de vue de cette der­nière. Et le dia­logue d’aboutir en B3 à une double opé­ra­tion conces­sive-adver­sa­tive de l’interviewée (en « oui mais… », « bon… mais… »), qui intègre notam­ment, par le mar­queur de néga­tion, une forme de réfu­ta­tion dia­pho­nique (« ce n’est pas pareil quand on est à l’école ») d’un point de vue posi­tif impu­té à l’intervieweuse (« c’est pareil »). L’organisation poly­pho­nique des voix et points de vue asso­ciés à cette der­nière inter­ven­tion de l’interviewée méri­te­rait à elle seule une ana­lyse plus détaillée, dont nous allons faire ici l’économie.[6]Sur les effets poly­pho­niques de la néga­tion, je ren­voie à Ducrot (1984, 214s), et acces­soi­re­ment à Per­rin (2009) pour ce qui concerne la néga­tion polé­mique (vs des­crip­tive ou méta­lin­guis­tique). Nous revien­drons plus loin sur l’articulation des effets scé­no­gra­phiques asso­ciés aux reprises dia­pho­niques conces­sives-adver­sa­tives et res­pec­ti­ve­ment polé­miques.

Le jeu réglé des opé­ra­tions scé­no­gra­phiques sur les­quelles se fonde, sous l’effet moda­li­sa­teur de dif­fé­rents mar­queurs dis­cur­sifs, l’intégration dia­lo­gique de diverses reprises dia­pho­niques à effets échoïques au plan scé­nique, s’articule très géné­ra­le­ment à deux atti­tudes oppo­sées dont pro­cède le dia­logue, asso­ciées à l’accord et res­pec­ti­ve­ment au désac­cord inter­ac­tion­nel des inter­lo­cu­teurs. L’art du dia­logue implique idéa­le­ment un équi­li­brage scé­no­gra­phique de ces atti­tudes. Si la conces­sion est au cœur du dia­logue et plus pro­fon­dé­ment de l’argumentation, c’est pré­ci­sé­ment qu’elle consti­tue notam­ment, par­mi d’autres pro­cé­dés dia­pho­niques appa­ren­tés, le meilleur moyen scé­no­gra­phique d’assurer la pour­suite et le déve­lop­pe­ment de l’interaction. Pri­vé de cet équi­libre, cette der­nière abou­tit iné­luc­ta­ble­ment, soit à une forme de conni­vence et d’entente cor­diale des inter­lo­cu­teurs, soit à l’affrontement polé­mique et à la dis­corde. L’accord uni­voque des inter­lo­cu­teurs met fin au dia­logue par une suc­ces­sion de reprises dia­pho­niques d’assentiment abou­tis­sant à la fusion échoïque des voix et des points de vue dans le cadre des échanges, dont les tours de parole finissent par se confondre et deve­nir inter­chan­geables. Quant au désac­cord biuni­voque engen­dré par une trop longue suc­ces­sion de reprises dia­pho­niques à fonc­tion de réfu­ta­tion, il expose les inter­lo­cu­teurs à un dia­logue de sourds ago­nal, dont l’issue conflic­tuelle est pour ain­si dire inévi­table. Les deux exemples sui­vants illus­trent cha­cun de ces cas.

Emprun­té à Jean­ne­ret (1999), le pre­mier exemple relève à nou­veau d’une forme d’interview, par une étu­diante fran­co­phone native (A), d’une étu­diante polo­naise non-native de la langue fran­çaise (B). Par-delà ce qui concerne l’assistance locu­toire dont béné­fi­cie l’interviewée en A2, il demeure que la coénon­cia­tion des séquences dis­cur­sives qui inté­resse Jean­ne­ret, à par­tir de laquelle le dia­logue se désor­ga­nise dia­lo­gi­que­ment dans ce pas­sage, pro­cède d’une accu­mu­la­tion de reprises dia­pho­niques d’assentiment super­po­sées. Il devient dif­fi­cile alors, sinon impos­sible au plan scé­no­gra­phique, de dis­tin­guer les inter­ven­tions res­pec­tives des inter­lo­cu­trices, qui cor­res­pondent à l’expression d’un seul et même point de vue, refor­mu­lé suc­ces­si­ve­ment par reprises dia­pho­niques interposées :

[B1] [On se demande pour­quoi] les les Fran­çais ou ou euh les Suisses n’ont pas besoin d’apprendre euh le polo­nais, par exemple [rires]. Mais ils disent euh, sans savoir très bien ce que c’est que c’est très dif­fi­cile pour eux.
[A1] Oui oui
[B2] Pour­tant euh
[A2] Ben il n’y a pas de rai­son que ce soit plus difficile
[B3] pour des Français
[A3] Abso­lu­ment !
[B4] que le fran­çais pour les Polo­nais [rires]
[A5] pour les Polo­nais ça c’est sûr qu’il n’y a abso­lu­ment aucune raison.

Quant à l’exemple sui­vant, tiré d’un cor­pus d’auto-enregistrements de conver­sa­tions fami­liales mont­réa­laises (Vincent, Lafo­rest & Mar­tel 1995), il met aux prises l’insistance déses­pé­rée d’une fille ado­les­cente (A), face à l’intransigeance inflexible que lui oppose sa mère (B) :

[A1] Si je te dis que je vais ren­trer tu sais que je vais rentrer.
[B1] Oui mais à une heure c’est pasje sais que tu vas ren­trer mais moi je trouve… on trouve ça trop tard à une heure. […] Je sau­te­rai pas de onze heures et demie à une heure.
[A2] Oui onze heures et demie !  Ça a pas été onze heures et demie.
[B2] Je… [A3] Maman écoute ! [B3] Je… [A4] Fais juste m’écouter OK ?

Ayant préa­la­ble­ment épui­sé tous les argu­ments pos­sibles en vue d’obtenir l’autorisation que sa mère lui refuse, la fille essuie dans ce pas­sage un ultime refus caté­go­rique, fon­dé sur diverses reprises d’opposition dia­pho­nique en B1, qui déclenche de sa part un der­nier sur­saut échoïque de pro­tes­ta­tion en A2, dont les effets polé­miques finissent par cou­per court aux échanges. Si l’organisation du dia­logue se dérègle et s’enlise à la fin de ce pas­sage, c’est en rai­son d’un désac­cord irré­con­ci­liable des inter­lo­cu­trices au plan scénique

  1. Reprises dia­pho­niques dis­tales et inter­ac­tions indi­rectes

Les reprises dia­pho­niques asso­ciées aux échanges de paroles en face à face dont il vient d’être ques­tion se retrouvent notam­ment dans le cadre d’interactions que nous dirons indi­rectes ou dif­fé­rées, dont les pro­prié­tés scé­niques entravent la dyna­mique inter­ac­tion­nelle de co-construc­tion proxi­male des échanges. C’est le cas notam­ment à l’écrit, dans le cadre d’une cor­res­pon­dance épis­to­laire par exemple, ou dans un débat par­le­men­taire à l’oral, comme dans toute forme de dia­logue arbi­tré par un modé­ra­teur. Outre l’abolition des inter­rup­tions et che­vau­che­ments sur les­quels se fonde ordi­nai­re­ment l’alternance des tours en face à face, le dis­po­si­tif scé­nique du dia­logue a pour effet dans ces condi­tions de dif­fé­rer les réac­tions de l’interlocuteur, et ce fai­sant d’entraîner diverses formes de reprises dia­pho­niques dis­tales, assu­rant l’articulation des inter­ven­tions dont se com­posent les échanges. Ces der­niers ne sont plus alors la simple contre­par­tie scé­no­gra­phique d’une inter­ac­tion ver­bale dyna­mique en temps réel, auto­gé­rée par les par­ti­ci­pants, mais le fruit d’une recons­ti­tu­tion pure­ment scé­no­gra­phique à la base, dont le réglage fonc­tion­nel se com­plexi­fie. Ain­si les reprises dia­pho­niques reposent moins sys­té­ma­ti­que­ment dans ces condi­tions sur de simples répé­ti­tions séquen­tielles ou autres refor­mu­la­tions proxi­males des points de vue aux­quels elles font écho. Elles s’appuient notam­ment sur diverses formes de dis­cours rap­por­tés dia­pho­niques expli­cites, à effets non moins échoïques, mais dont la fonc­tion prio­ri­taire est en outre de res­tau­rer la cohé­sion d’échanges désyn­chro­ni­sés par le carac­tère dif­fé­ré de l’interaction.

Consi­dé­rons à ce sujet un échange de parole pris en cours de dérou­le­ment, tiré d’une cor­res­pon­dance épis­to­laire entre le com­po­si­teur Igor Stra­vins­ki (éta­bli en Suisse à Morges) et le chef d’orchestre gene­vois Ernest Anser­met (en séjour à Paris). Stra­vins­ki réagit dans ce pas­sage, non sans irri­ta­tion, à une lettre préa­lable d’Ansermet rela­tive aux ter­gi­ver­sa­tions de Serge Dia­ghi­lev (le direc­teur des Bal­lets russes) à s’acquitter des droits qui lui sont dus pour la pro­gram­ma­tion de ses œuvres. Et Anser­met de lui répondre ensuite en cher­chant à cal­mer le jeu. Cha­cune des inter­ven­tions de cet échange est adres­sée au sens fort à l’interlocuteur, par reprises dia­pho­niques interposées :

[Stra­vins­ki, le 16 mai 1919] […] Mon cher, je veux vous dire 2 mots seule­ment en com­plé­ment de mon télé­gramme d’hier. J’ai reçu donc votre lettre du 7 mai et bien appré­cié l’attitude de Dia­ghi­lev envers moi, envers ses obli­ga­tions etc… Inutil [sic] de vous dire qu’il n’y a pas un mot de vrai dans toutes ses asser­tions. C’est un man­songe [sic] tout à fait conscient et cal­cu­lé et vos sup­po­si­tions quand au brusque chan­ge­ment de son atti­tude à mon égard sont par­fai­te­ment justes. Je connais trop bien ce gaillard-là pour me trom­per. […] Je le laisse tran­quille et heu­reu­se­ment peux très bien m’empasser de lui [sic]. Mais le jour où il aura besoin de moi – qu’il prenne garde ! Je m’en souviendrai… […]
[Anser­met, le 25 mai 1919] Cher Igor, votre lettre m’arrive : évi­dem­ment il ne reste plus qu’à attendre votre revanche. Si vous avez pu trou­ver d’autres res­sources que lui, tout va bien. Le ter­rible avec cet homme, et ce qui fait sa force, c’est que tout de même, c’est le seul direc­teur de théâtre qui fasse des choses inté­res­santes. Alors on est tou­jours obli­gé d’en reve­nir à lui. Vous me direz que lui, de son côté, a besoin de maté­riaux. Sans doute, et pour les obte­nir, il n’a pas encore trou­vé votre rem­pla­çant. Mais il est habile à user de l’Ersatz : Scar­lat­ti-Bakst, Ros­si­ni-Derain, bien­tôt Per­go­lèse ? Et avec cela, il peut, pen­dant un cer­tain temps, trom­per son public. […]

Plu­tôt que sur une simple reprise des pro­pos d’Ansermet dans le cadre de sa réponse, l’intervention de Stra­vins­ky s’appuie désor­mais sur diverses allu­sions à sa lettre du 7 mai, abou­tis­sant à une forme de dis­cours rap­por­té à effets échoïques (« …vos sup­po­si­tions quant au brusque chan­ge­ment de son atti­tude à mon égard… ») [7]La reprise dia­pho­nique fait ici écho à un pas­sage de la lettre de 7 mai où Anser­met avait écrit : « Dimanche soir […] j’ai vou­lu avoir un autre entre­tien avec Diag. à votre sujet ; je l’ai trou­vé et nous avons cau­sé lon­gue­ment. Mais je l’ai trou­vé en d’autre dis­po­si­tions que pré­cé­dem­ment […] », dont la fonc­tion dia­pho­nique n’est plus seule­ment dès lors de ren­for­cer l’adresse et d’assurer la cohé­sion d’un échange de paroles, mais d’en res­tau­rer la scé­no­gra­phie dia­lo­gique, désyn­chro­ni­sée pas le carac­tère dif­fé­ré de l’interaction au plan scé­nique. L’assentiment qui s’y rap­porte s’appuie désor­mais sur une expres­sion pré­di­ca­tive (« …sont par­fai­te­ment justes »), assor­tie de diverses obser­va­tions dépré­cia­tives expri­mant le désac­cord du locu­teur à l’encontre de Dia­ghi­lev (« C’est un men­songe… Je connais trop bien ce gaillard-là pour me trom­per… je m’en sou­vien­drai ! »). Stra­vins­ky ins­tan­cie ce fai­sant son inter­lo­cu­teur comme une sorte de porte-parole scé­nique de l’expression offen­sive de son ressentiment.

Quant à la réponse d’Ansermet, elle s’appuie à nou­veau sur un simple ren­voi à la pré­cé­dente lettre de Stra­vins­ki (« Votre lettre m’arrive »), sur lequel se fonde ensuite la res­tau­ra­tion scé­no­gra­phique de l’échange dont pro­cède son inter­ven­tion réac­tive, qu’il enchaîne alors sans autre tran­si­tion, comme dans un dia­logue oral en face à face. A ceci près que la réponse d’Ansermet se construit ici par étages argu­men­ta­tifs suc­ces­sifs, pour ten­ter de faire évo­luer en dou­ceur l’intransigeance de Stra­vins­ki. L’adverbe « évi­dem­ment » consti­tue à cet effet un mar­queur d’assentiment dia­pho­nique asso­cié à une pre­mière refor­mu­la­tion échoïque (« il ne reste plus qu’à attendre votre revanche »), que relaie ensuite une seconde forme de reprise (« Si vous avez pu trou­ver d’autres res­sources que lui ») assor­tie d’une for­mule consé­cu­tive (« tout va bien ») consis­tant à sus­pendre tem­po­rai­re­ment le ren­ver­se­ment adver­sa­tif ulté­rieur. Moda­li­sé fina­le­ment par « tout de même » et inté­gré à une phrase pseu­do-cli­vée ou dis­lo­quée (« Le ter­rible avec cet homme, c’est que… », ce ren­ver­se­ment appa­raît dès lors en posi­tion enchâs­sée, sous la forme d’un point de vue favo­rable à la cause de Dia­ghi­lev (« c’est le seul direc­teur de théâtre qui fasse des choses inté­res­santes. Alors… »). Et Anser­met de recon­duire ensuite son argu­men­ta­tion par le moyen d’un dis­cours rap­por­té à effets dia­pho­niques, consis­tant à faire écho à une réac­tion atten­due de l’interlocuteur (« Vous me direz que lui, de son côté, a besoin de maté­riaux »), assor­tie d’effets conces­sifs-adver­sa­tifs ana­logues (« Sans doute… mais… »). L’intérêt de cette der­nière reprise tient à sa force pro­jec­tive, hypo­thé­tique et anti­ci­pa­toire, consis­tant à faire vir­tuel­le­ment écho à une inter­ven­tion ima­gi­naire de Stra­vins­ki, en vue de pro­lon­ger le dérou­le­ment du dialogue.

Les reprises dia­pho­niques dis­tales dont il vient d’être ques­tion, asso­ciées à la scé­no­gra­phie d’interactions dif­fé­rées au plan scé­nique, ne sont pas propres à l’écrit. Les débats par­le­men­taires, par exemple, dont les par­ti­ci­pants se suc­cèdent à la tri­bune pour s’interpeller et se répondre à dis­tance, ou encore les débats média­tiques arbi­trés par un modé­ra­teur, les incitent éga­le­ment à recons­ti­tuer a pos­te­rio­ri leurs échanges, par reprises dia­pho­niques inter­po­sées, par­fois à les anti­ci­per pro­jec­ti­ve­ment comme on vient de le voir. Le pas­sage sui­vant est issu d’un débat télé­vi­sé pré­cé­dant le second tour de l’élection pré­si­den­tielle fran­çaise de 1988, entre Fran­çois Mit­ter­rand et Jacques Chi­rac. On y retrouve acces­soi­re­ment diverses formes de dis­cours rap­por­tés dia­pho­niques à effets échoïques, dévo­lus à la res­tau­ra­tion scé­no­gra­phique de leurs échanges.[8]Pour une ana­lyse appro­fon­die des formes et fonc­tions du dis­cours rap­por­té dans les débats pré­si­den­tiels télé­vi­sés, je ren­voie à la thèse de Domi­tille Caillat (2016). Sur les pro­prié­tés géné­rales du genre, se réfé­rer à l’ouvrage de Cathe­rine Ker­brat-Orec­chio­ni (2017).

Mais ce qui fait sur­tout l’intérêt de cet exemple en l’occurrence tient au fait qu’il relève d’un dis­po­si­tif scé­nique qui impose en outre aux inter­lo­cu­teurs, plu­tôt que de cher­cher à accor­der leurs points de vue, d’assurer conjoin­te­ment la pour­suite conflic­tuelle du dia­logue, dont l’issue ne peut être que la vic­toire ou la défaite à l’élection pré­si­den­tielle. A la dif­fé­rence de ce qui régit habi­tuel­le­ment les inter­ac­tions ver­bales, qu’elles soient directes ou dif­fé­rées, l’objectif praxéo­lo­gique des inter­lo­cu­teurs n’est plus dans ces condi­tions de se convaincre mutuel­le­ment, mais de se dis­qua­li­fier réci­pro­que­ment, face à l’arbitrage scé­nique d’un public de télé­spec­ta­teurs-élec­teurs. La double adresse inter­ac­tion­nelle diver­gente asso­ciée au dis­po­si­tif scé­nique impose alors aux inter­lo­cu­teurs de s’affronter dans la durée, en évi­tant cepen­dant toute dérive polé­mique trop accen­tuée ou autre déra­page, sus­cep­tible de déplaire au public assis­tant au débat ; un dia­logue régi par le désac­cord et l’affrontement contrô­lé des inter­lo­cu­teurs au plan scé­nique, dont la contre­par­tie scé­no­gra­phique recèle un grand nombre de reprises dia­pho­niques dis­tales, à visées offen­sives plus ou moins osten­ta­toires. Plu­tôt que sur des pro­cé­dés conces­sifs-adver­sa­tifs par trop consen­suels, l’organisation scé­no­gra­phique des échanges entre Chi­rac et Mit­ter­rand pro­cède alors de reprises dia­pho­niques à fonc­tion de dis­qua­li­fi­ca­tion des points de vue de l’interlocuteur, mais dont les effets échoïques sont plus indi­rects et masqués :

[Chi­rac] […] Moi je suis prêt à gou­ver­ner, il n’y a aucune incer­ti­tude sur l’avenir, sur les com­bi­nai­sons à mettre au point pour avoir un gou­ver­ne­ment qui soit éven­tuel­le­ment sou­te­nu, pour par­tie de son action, par l’Assemblée, et le tout débou­chant, natu­rel­le­ment, sur des élec­tions légis­la­tives, un nou­veau débat et de nou­veaux retards dans l’effort que nous devons faire. […] Votre appré­cia­tion, Mon­sieur Mit­ter­rand, c’est « Je veux nom­mer quelqu’un le plus lar­ge­ment pos­sible, je vais essayer d’attirer quelques-uns ici, quelques-uns là pour […] »
[Mit­ter­rand] Je veux unir et ras­sem­bler, comme je l’ai dit dimanche soir, sur des valeurs démo­cra­tiques, et pas au-delà de mes propres convic­tions. Vous disiez « il n’y a pas d’incertitude ». Il y en a une, Mon­sieur le pre­mier ministre, une très grave, la plus dif­fi­cile à fran­chir, c’est votre élection. […]

Très clai­re­ment l’intervention de Chi­rac, sous cou­vert de sou­te­nir un point de vue néga­tif selon lequel sa poli­tique ne recèle « aucune incer­ti­tude sur l’avenir, sur les com­bi­nai­sons à mettre au point… » a d’abord ici pour objec­tif de faire écho à un point de vue de Mit­ter­rand consis­tant à reven­di­quer une telle « incer­ti­tude » de sa propre poli­tique, que Chi­rac s’emploie ce fai­sant à récu­ser. La pré­sup­po­si­tion asso­ciée au pro­nom per­son­nel (« Moi je suis prêt à gou­ver­ner ») annonce une telle inter­pré­ta­tion (contrai­re­ment à vous), dont atteste ensuite rétro­ac­ti­ve­ment le pro­nom indé­fi­ni sub­stan­ti­vé (« le tout ») qui ne ren­voie pas alors au point de vue de Chi­rac (moda­li­sé par « natu­rel­le­ment »), mais bien au point de vue repro­ché à Mit­ter­rand, assor­ti de pré­vi­sions sur « des élec­tions légis­la­tives, un nou­veau débat et de nou­veaux retards… ». Sous cou­vert de décrire sa propre poli­tique, Chi­rac s’adresse ain­si au sens fort à Mit­ter­rand pour dis­qua­li­fier son point de vue. Le dis­cours rap­por­té au style direct sur lequel se clôt cette inter­ven­tion (« Votre appré­cia­tion, Mon­sieur Mit­ter­rand, c’est : Je veux nom­mer quelqu’un le plus lar­ge­ment pos­sible… ») n’a ensuite pour fonc­tion que d’enfoncer le clou, confir­mant a pos­te­rio­ri les effets dia­pho­niques offen­sifs dont il vient d’être ques­tion. Bien que dépour­vu de toute contre­par­tie effec­tive au plan scé­nique, le pro­cé­dé en ques­tion consiste ici bel et bien à faire écho, par reprise dia­pho­nique inter­po­sée, à un point de vue que Mit­ter­rand n’a en fait jamais tenu en réa­li­té, en vue de le dis­qua­li­fier au plan scénographique.

La révi­sion défen­sive par Mit­ter­rand des refor­mu­la­tions chi­ra­quiennes de son « appré­cia­tion » ne se fait évi­dem­ment pas attendre. D’entrée de jeu Mit­ter­rand s’appuie à son tour sur un opé­ra­teur de néga­tion (« pas ») consis­tant à réfu­ter un point de vue posi­tif dans sa por­tée (« au-delà de mes propres convic­tions »), cor­res­pon­dant en l’occurrence à une reprise échoïque du point de vue même que Chi­rac vient de lui repro­cher (« Je veux nom­mer quelqu’un le plus lar­ge­ment pos­sible… »). Et Mit­ter­rand de pas­ser ensuite à l’offensive pro­pre­ment dite par une nou­velle reprise dia­pho­nique dis­tale, consis­tant à mani­pu­ler par ampu­ta­tion une affir­ma­tion de Chi­rac à laquelle elle fait écho (« Vous disiez il n’y a pas d’incertitude »), pour mieux la dis­qua­li­fier comme il se doit (« Il y en a une, Mon­sieur le pre­mier ministre… »). Ce fai­sant Mit­ter­rand fait mine de répondre à une affir­ma­tion de son adver­saire expri­mant l’assurance de sa réélec­tion, pour lui rap­pe­ler cruel­le­ment que cette der­nière n’est pas assu­rée. Les jeux dia­pho­niques à effets échoïques offen­sifs de Mit­ter­rand comme de Chi­rac, dans ce der­nier exemple, consistent à exploi­ter les opé­ra­tions rétro­ac­tives de réajus­te­ment impli­qués dans les inter­ac­tions en face à face dont il a été ques­tion pré­cé­dem­ment (note 5).

  1. Reprises dia­pho­niques en situa­tion d’interactions fictives

Les reprises dia­pho­niques à effets échoïques ana­ly­sées dans cette étude – notam­ment conces­sives-adver­sa­tives ou de réfu­ta­tions polé­miques – se retrouvent un peu par­tout dans le dis­cours argu­men­ta­tif, y com­pris lorsque la scé­no­gra­phie qui s’y rap­porte n’est la contre­par­tie d’aucune inter­ac­tion effec­tive au plan scé­nique. C’est le cas notam­ment dans la presse écrite, dont la scé­no­gra­phie dia­lo­gique n’a nul besoin, pour mettre en œuvre les pro­cé­dés en ques­tion, d’impliquer empi­ri­que­ment le lec­teur réel auquel s’adresse alors le jour­na­liste au plan scé­nique. Ain­si rien n’interdit à un édi­to­ria­liste, par exemple, de réagir ou même de faire écho à un point de vue moda­li­sé comme celui d’une ins­tance énon­cia­tive indé­ter­mi­née, dépour­vue de contre­par­tie scé­nique, mais néan­moins iden­ti­fiable à un des­ti­na­taire vir­tuel auquel le dis­cours s’adresse. Pure­ment scé­no­gra­phiques à la base, les effets dia­pho­niques échoïques dont il est ici ques­tion sont alors pure­ment fic­tifs, asso­ciés à une scène inter­lo­cu­tive imaginaire.

Dans les pas­sages ci-des­sous notam­ment, diverses reprises dia­pho­niques font appa­raître que les pro­cé­dés échoïques qui nous ont inté­res­sés, pure­ment scé­no­gra­phiques à la base, n’exigent nul­le­ment de s’ajuster prag­ma­ti­que­ment à une inter­ac­tion effec­tive entre inter­lo­cu­teurs au plan scé­nique. Quelles que soient les cir­cons­tances scé­niques asso­ciée à toute forme de dis­cours argu­men­ta­tif, rien n’interdit au locu­teur de s’adresser au sens fort à un des­ti­na­taire vir­tuel, iden­ti­fiable le cas échéant à une figure fic­tive du lec­teur, ou à tout autre pro­ta­go­niste ima­gi­nable de l’interdiscours. Comme des­ti­na­taire effec­tif de l’éditorial au plan scé­nique, le lec­teur réel a toute lati­tude alors de cau­tion­ner ou au contraire de désa­vouer le des­ti­na­taire auquel le dis­cours s’adresse au plan scé­no­gra­phique. L’alternative qui cepen­dant lui incombe dans ces condi­tions n’est pas neutre, dans la mesure où elle l’autorise soit à se recon­naître en tant que des­ti­na­taire par défaut, soit au contraire à se déta­cher de l’adresse inter­lo­cu­tive, pour adop­ter une pos­ture de témoin dans sa lec­ture, le cas échéant à par­ta­ger le point de vue même que prend en charge le jour­na­liste en tant que locuteur :

La crise gra­vis­sime que tra­verse l’Europe ne se résou­dra pas dans les invec­tives ou les repré­sailles. Bien sûr, on peut mau­dire l’Angleterre et les Anglais. Bien sûr, on peut déplo­rer ce navrant usage de la démo­cra­tie qui consiste à confier l’avenir d’un conti­nent à une nation insu­laire com­po­sée, nous explique-t-on avec mépris, d’ilotes xéno­phobes et de vieillards égro­tants. On peut dénon­cer, comme BHL, « la vic­toire du sou­ve­rai­nisme le plus rance, du natio­na­lisme le plus bête, la vic­toire de l’Angleterre moi­sie ». Mais on ne chan­ge­ra rien à l’évidence : inter­ro­gé sur l’Europe, un peuple a dit non. [A. Bré­zet, Le Figa­ro, 27 juin 2016]

Le mar­queur de néga­tion « ne… pas » moda­lise ici d’entrée de jeu la reprise dia­pho­nique d’un point de vue que réfute alors l’éditorialiste, selon lequel la crise euro­péenne pour­rait trou­ver une issue « dans les invec­tives ou les repré­sailles ». L’adresse au sens fort qui s’y rap­porte ins­tan­cie ce fai­sant l’énonciateur de ce point de vue comme un des­ti­na­taire indé­ter­mi­né auquel le locu­teur fait écho, sus­cep­tible d’être iden­ti­fié à n’importe quelle figure fic­tive à laquelle il s’adresse. La valeur conces­sive asso­ciée au mar­queur dia­pho­nique de reprise (« Bien sûr ») confirme ensuite et ren­force une telle inter­pré­ta­tion, à deux reprises suc­ces­sives, par une refor­mu­la­tion bel et bien échoïque du point de vue en ques­tion (« on peut mau­dire l’Angleterre et les Anglais », « On peut déplo­rer… »), dont la source est fina­le­ment indi­quée en incise (« nous explique-t-on avec mépris »), avant le ren­ver­se­ment adver­sa­tif conclu­sif (« Mais on ne chan­ge­ra rien à l’évidence… »). Ini­tia­le­ment iden­ti­fié à une figure fic­tive d’un quel­conque des­ti­na­taire au plan scé­nique, le point de vue de l’énonciateur auquel s’adresse alors et s’oppose le jour­na­liste au plan scé­no­gra­phique se trouve ain­si refor­mu­lé suc­ces­si­ve­ment sous dif­fé­rents angles fonc­tion­nels (réfu­ta­tifs et conces­sifs), pour être fina­le­ment impu­tés à des sources diverses (« On », « BHL »), iden­ti­fiées à qui­conque serait sus­cep­tible de nour­rir un quel­conque res­sen­ti­ment à l’encontre des Anglais pour avoir voté le Brexit. L’exemple sui­vant repose sur des pro­cé­dés ana­logues, mais dont l’organisation dis­cur­sive diffère :

Le coro­na­vi­rus n’est certes pas encore vain­cu, mais déjà, la ques­tion du décon­fi­ne­ment se pose. Non parce que cer­tains Fran­çais montrent des signes d’impatience. Ni parce que Mélen­chon exige un « droit de savoir ». Mais, plus sim­ple­ment, parce qu’une assi­gna­tion à rési­dence est, par défi­ni­tion, temporaire.
[Yves Thréard, Le Figa­ro, 3 avril 2020]

Plu­tôt que de récu­ser d’entrée de jeu et ensuite de concé­der dif­fé­rents points de vue impu­tés suc­ces­si­ve­ment à un même des­ti­na­taire auquel le dis­cours s’adresse au sens fort, les effets en ques­tion se super­posent alors hié­rar­chi­que­ment dans le pre­mier énon­cé de ce pas­sage (« Le coro­na­vi­rus n’est certes pas encore vain­cu »). Le point de vue néga­tif que concède alors le locu­teur à un des­ti­na­taire fic­tif (par l’emploi de « certes »), rela­tif à une évi­dence contex­tuelle en l’occurrence (« Le coro­na­vi­rus n’est pas encore vain­cu »), consiste à récu­ser un point de vue posi­tif contre­fac­tuel (« Le coro­na­vi­rus est vain­cu »), hors de por­tée de l’adresse conces­sive domi­nante et dépour­vu d’effets échoïques en ce qui le concerne. Le locu­teur com­mence ain­si par concé­der un point de vue néga­tif à un des­ti­na­taire fic­tif auquel il fait écho, consis­tant lui-même à réfu­ter le point de vue posi­tif d’un énon­cia­teur dis­tinct, exclu d’entrée de jeu de l’adresse et de l’interlocution fic­tive qui s’y rap­porte[9]Sur l’articulation hié­rar­chique de dif­fé­rents points de vue, sous l’effet com­bi­na­toire d’un seul mar­queur ou de dif­fé­rents mar­queurs dis­cur­sifs, je ren­voie à Per­rin (2019).. Avant de pro­cé­der au ren­ver­se­ment adver­sa­tif atten­du dans l’apodose (« mais déjà, la ques­tion du décon­fi­ne­ment se pose »), le jour­na­liste com­mence ain­si par s’associer, dans la pro­tase conces­sive, au point de vue de son des­ti­na­taire. Mais ce der­nier ne perd rien pour attendre, dans ce pas­sage, car l’enchaînement sui­vant pro­cède ensuite d’un mou­ve­ment dis­cur­sif consis­tant bel et bien à réfu­ter, à deux reprises suc­ces­sives, le point de vue de ce des­ti­na­taire, comme sus­cep­tible en l’occurrence de jus­ti­fier, pour les rai­sons évo­quées (« parce que cer­tains Fran­çais montrent des signes d’impatience », « parce que Mélen­chon exige un droit de savoir »), le décon­fi­ne­ment annon­cé par le locu­teur. Non seule­ment les reprises en ques­tion consistent alors à faire écho aux argu­ments vir­tuels d’une ins­tance fic­tive que le locu­teur récuse, mais elles reposent pour le coup sur un mar­queur de réfu­ta­tion polé­mique directe au plan scé­no­gra­phique (« Non »), dont les effets dia­lo­giques-inter­lo­cu­tifs sont plus saillants que ceux d’un simple opé­ra­teur de négation.

Dans ces deux der­niers exemples, comme dans toute forme de dis­cours argu­men­ta­tif, les reprises dia­pho­niques engagent une figure vir­tuelle du des­ti­na­taire auquel s’adresse l’éditorialiste, dont les effets inter­lo­cu­tifs pro­cèdent de mou­ve­ments scé­no­gra­phiques consis­tant res­pec­ti­ve­ment, d’abord à réfu­ter un point de vue posi­tif ulté­rieu­re­ment concé­dé à un des­ti­na­taire ima­gi­naire dans le pre­mier exemple ; des­ti­na­taire auquel il concède d’entrée de jeu un point de vue néga­tif dans le deuxième exemple, assor­ti d’un ren­ver­se­ment adver­sa­tif dont les causes seront ensuite réfu­tées. Compte tenu du carac­tère fic­tif de la scène inter­ac­tion­nelle asso­ciée à la dyna­mique énon­cia­tive du dis­cours jour­na­lis­tique, le lec­teur a alors toute lati­tude inter­pré­ta­tive d’orchestrer la mise en scène inter­ac­tion­nelle qui convient le mieux à ses propres opi­nions sur la ques­tion débat­tue par le jour­na­liste au plan scénographique.

  1. Syn­thèse conclusive

Les reprises dia­pho­niques ana­ly­sées dans cette étude – d’assentiment conces­sif et de réfu­ta­tion polé­mique – ont des pro­prié­tés scé­no­gra­phiques appa­ren­tées, dont pro­cède la force réac­tive d’interventions consis­tant à refor­mu­ler en écho, dans le cadre d’un échange de paroles effec­tif ou vir­tuel au plan scé­nique, le point de vue d’un des­ti­na­taire auquel le dis­cours s’adresse. Ces pro­prié­tés ont été ana­ly­sées sous l’angle de trois sortes de cor­ré­la­tions entre la scé­no­gra­phie dia­lo­gique dont elles pro­cèdent et la scène inter­ac­tion­nelle qui s’y rapporte.

Les reprises dia­pho­niques que nous avons appe­lées proxi­males, propres aux inter­ac­tions ver­bales en face à face à l’oral, consistent essen­tiel­le­ment à ren­for­cer l’adresse asso­ciée aux réponses qu’elles contri­buent à ins­truire démons­tra­ti­ve­ment en temps réel au plan scé­no­gra­phique, et ce fai­sant de les ajus­ter aux inter­ven­tions ini­tia­tives aux­quelles elles font écho, dans le cadre d’échanges de paroles effec­tifs au plan scé­nique. Elles ont en outre pour fonc­tion scé­no­gra­phique d’équilibrer l’accord et le désac­cord des inter­lo­cu­teurs, et ce fai­sant d’assurer la pour­suite inter­ac­tion­nelle du dia­logue au plan scénique.

Les reprises dia­pho­niques que nous avons appe­lées dis­tales, en ce qui les concerne, ont en outre pour fonc­tion d’assurer la cohé­sion scé­no­gra­phique d’échanges dis­lo­qués par la dis­tance spa­tio-tem­po­relle entre les tours de parole d’interactions dif­fé­rées. Elles intègrent à cet effet diverses formes de dis­cours rap­por­tés spé­ci­fiant la source dis­tale des reprises res­pon­sives du locu­teur, sus­cep­tibles le cas échéant de viser par anti­ci­pa­tion une objec­tion pré­vi­sible de l’interlocuteur, ou même de lui impu­ter un point de vue ima­gi­naire, en vue de recon­fi­gu­rer vir­tuel­le­ment la cohé­sion du dia­logue et la dyna­mique inter­ac­tion­nelle qui s’y rapporte.

Quant au der­nier genre de reprises dia­pho­niques abor­dées dans cette étude, dont la contre­par­tie scé­nique ne pro­cède d’aucune inter­ac­tion effec­tive entre le jour­na­liste et ses lec­teurs dans la presse écrite, elles n’ont dès lors pour effet que de créer l’illusion d’une forme d’adresse à un des­ti­na­taire vir­tuel, iden­ti­fié à un inter­lo­cu­teur fic­tif auquel le locu­teur fait écho. La scé­no­gra­phie dia­lo­gique asso­ciée à toute forme de dis­cours argu­men­ta­tif se suf­fit à elle-même dans ces condi­tions, tout en inci­tant le lec­teur à prendre posi­tion en s’impliquant per­son­nel­le­ment au plan scénique.

Les trois étages de cor­ré­la­tion sur les­quels s’appuient suc­ces­si­ve­ment les ana­lyses éla­bo­rées dans cette étude font appa­raître que les reprises dia­pho­niques qui nous ont inté­res­sés, propre à toute forme de dis­cours argu­men­ta­tif, ne sont que l’envers scé­no­gra­phique d’effets scé­niques échoïques héri­tés d’interactions orales ordi­naires en face à face à la base, recons­ti­tués au besoin vir­tuel­le­ment dans l’interprétation, ou fic­ti­ve­ment selon les circonstances.

Réfé­rences

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Notes

Notes
1 Une telle oppo­si­tion s’appuie sur une dis­tinc­tion de Witt­gen­stein (1922), dont s’inspire notam­ment Ducrot (1984, 151), visant à rendre compte de ce qui dis­tingue deux com­po­santes com­plé­men­taires irré­duc­tibles du sens lin­guis­tique des énon­cés, consis­tant res­pec­ti­ve­ment à décrire dif­fé­rents états de choses aux­quels ils réfèrent, et à mon­trer cer­taines de leurs pro­prié­tés énon­cia­tives. Voir à ce sujet l’ouvrage col­lec­tif diri­gé par Constan­tin de Cha­nay, Colas-Blaise & Le Guern (2013). Quant à ce qui carac­té­rise sous cet angle les mar­queurs dis­cur­sifs qui vont ici nous inté­res­ser, je ren­voie à Per­rin (2019).
2 Emprun­tées à Main­gue­neau (1999), les notions de scène dis­cur­sive et de scé­no­gra­phie énon­cia­tive s’appliqueront ici res­pec­ti­ve­ment aux pro­prié­tés des inter­ac­tions ver­bales dont pro­cède le dia­logue, et à l’organisation dia­lo­gique-poly­pho­nique asso­ciée aux mar­queurs dis­cur­sifs qui s’y rap­portent. Ins­pi­rée de Bakh­tine, la séman­tique poly­pho­nique de Ducrot (1984) est main­te­nant bien connue, tout comme les ana­lyses poly­pho­niques appli­quées ces der­nières années à dif­fé­rents mar­queurs (voir par exemple les numé­ros 154 et 161 de la revue Langue fran­çaise). Outre celle des poly­pho­nistes scan­di­naves (Nølke, Fløt­tum & Norén, 2004) et notam­ment de Kron­ning (2013), les ana­lyses de Haillet (2007) sur la notion de point de vue, ont été pour moi une source pré­cieuse d’inspiration.
3 L’un des inté­rêts majeurs des recherches gene­voises autour d’Eddy Rou­let, dans les années 1980–2000, est d’avoir ten­té d’articuler la séman­tique énon­cia­tive de Ducrot, issue d’une prag­ma­tique inté­grée de tra­di­tion conti­nen­tale, aux recherches socio-inter­ac­tion­nelles amé­ri­caines, issues notam­ment de Goff­man (1973). Les ana­lyses de Ker­brat-Orec­chio­ni (1990) relèvent d’une entre­prise ana­logue. Quant aux reprises dia­pho­niques dont il sera ici ques­tion, elles pro­cèdent d’un sous-ensemble de formes poly­pho­niques au plan scé­no­gra­phique, assor­ties des effets échoïques inter­lo­cu­tifs qui vont ici nous inté­res­ser au plan scé­nique. Elles cor­res­pondent gros­so modo à des reprises dia­lo­giques inter­lo­cu­tives, au sens de Bres, Nowa­kows­ka & Sarale (2019).
4 Pour une vue géné­rale des fonc­tions prag­ma­tiques asso­ciées à ce type de reprises dia­pho­niques proxi­males en contexte conver­sa­tion­nel, je ren­voie à Per­rin, Deshaies & Para­dis (2003).
5 Le pro­cé­dé en ques­tion peut être par­fois plus ou moins sciem­ment exploi­té dans le dia­logue, notam­ment par les poli­tiques, en vue d’infléchir ou par­fois de mani­pu­ler, sans en avoir l’air, l’orientation cri­tique des ques­tions de leurs adversaires.
6 Sur les effets poly­pho­niques de la néga­tion, je ren­voie à Ducrot (1984, 214s), et acces­soi­re­ment à Per­rin (2009) pour ce qui concerne la néga­tion polé­mique (vs des­crip­tive ou méta­lin­guis­tique). Nous revien­drons plus loin sur l’articulation des effets scé­no­gra­phiques asso­ciés aux reprises dia­pho­niques conces­sives-adver­sa­tives et res­pec­ti­ve­ment polémiques.
7 La reprise dia­pho­nique fait ici écho à un pas­sage de la lettre de 7 mai où Anser­met avait écrit : « Dimanche soir […] j’ai vou­lu avoir un autre entre­tien avec Diag. à votre sujet ; je l’ai trou­vé et nous avons cau­sé lon­gue­ment. Mais je l’ai trou­vé en d’autre dis­po­si­tions que précédemment […] »
8 Pour une ana­lyse appro­fon­die des formes et fonc­tions du dis­cours rap­por­té dans les débats pré­si­den­tiels télé­vi­sés, je ren­voie à la thèse de Domi­tille Caillat (2016). Sur les pro­prié­tés géné­rales du genre, se réfé­rer à l’ouvrage de Cathe­rine Ker­brat-Orec­chio­ni (2017).
9 Sur l’articulation hié­rar­chique de dif­fé­rents points de vue, sous l’effet com­bi­na­toire d’un seul mar­queur ou de dif­fé­rents mar­queurs dis­cur­sifs, je ren­voie à Per­rin (2019).