Modalisations diaphoniques de l’énonciation dans le discours

Laurent Per­rin,
Sor­bonne uni­ver­si­té, EA 4509 STIH (Sens Textes Infor­ma­tique His­toire)
Cahier de Praxé­ma­tique n°75, 2021.


  1. Avant-pro­pos de cadrage théorique

Telle qu’elle sera abor­dée dans cette étude, l’énonciation se situe à l’interface de ce qui a trait d’un côté au vaste champ de l’analyse prag­ma­tique et inter­ac­tion­nelle des dis­cours, de l’autre à celui de la séman­tique lin­guis­tique. Elle consti­tue l’élément fon­da­teur d’un recou­pe­ment de ces champs dis­ci­pli­naires. Par­tiel­le­ment codées dans la langue, les pro­prié­tés de l’énonciation qui vont nous inté­res­ser ne tiennent pas exclu­si­ve­ment aux effets contex­tuels asso­ciés à l’emploi de formes lin­guis­tiques des­crip­tives (pré­di­ca­tives et véri­dic­tives), rela­tives aux états de choses aux­quels les énon­cés réfèrent. Elles pro­cèdent en outre d’instructions séman­tiques indi­ciaires (vs sym­bo­liques), asso­ciées à cer­taines infor­ma­tions extra-pré­di­ca­tives (aus­si appe­lées mon­trées ou démons­tra­tives), déli­vrées par diverses sortes de moda­li­sa­teurs, connec­teurs argu­men­ta­tifs, ou autres formes de mar­queurs dis­cur­sifs.[1]Une telle oppo­si­tion s’appuie sur une dis­tinc­tion de Witt­gen­stein (1922), dont s’inspire notam­ment Ducrot (1984, 151), visant à rendre compte de ce qui dis­tingue deux com­po­santes com­plé­men­taires irré­duc­tibles du sens lin­guis­tique des énon­cés, consis­tant res­pec­ti­ve­ment à décrire dif­fé­rents états de choses aux­quels ils réfèrent, et à mon­trer cer­taines de leurs pro­prié­tés énon­cia­tives. Voir à ce sujet l’ouvrage col­lec­tif diri­gé par Constan­tin de Cha­nay, Colas-Blaise & Le Guern (2013). Quant à ce qui carac­té­rise sous cet angle les mar­queurs dis­cur­sifs qui vont ici … Conti­nue rea­ding
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1 Une telle oppo­si­tion s’appuie sur une dis­tinc­tion de Witt­gen­stein (1922), dont s’inspire notam­ment Ducrot (1984, 151), visant à rendre compte de ce qui dis­tingue deux com­po­santes com­plé­men­taires irré­duc­tibles du sens lin­guis­tique des énon­cés, consis­tant res­pec­ti­ve­ment à décrire dif­fé­rents états de choses aux­quels ils réfèrent, et à mon­trer cer­taines de leurs pro­prié­tés énon­cia­tives. Voir à ce sujet l’ouvrage col­lec­tif diri­gé par Constan­tin de Cha­nay, Colas-Blaise & Le Guern (2013). Quant à ce qui carac­té­rise sous cet angle les mar­queurs dis­cur­sifs qui vont ici nous inté­res­ser, je ren­voie à Per­rin (2019).

Polyphonie et autres formes d’hétérogénéité énonciative : Bakhtine, Bally, Ducrot, etc.

Pra­tiques n° 123–124, 2004, 7–26

 


 

Laurent Per­rin
Uni­ver­si­té de Metz

 

Mots clés : Lin­guis­tique, ana­lyse du dis­cours, poly­pho­nie, dia­lo­gisme, énon­cia­tion, séquence écho, refor­mu­la­tion, point de vue, sujet par­lant, locu­teur, énonciateur.

 

Cette étude aborde dif­fé­rentes approches de la dimen­sion dia­lo­gique ou poly­pho­nique du lan­gage. En par­tant des écrits du lin­guiste russe Mikhaïl Bakh­tine, qui en a fait des concepts opé­ra­toires en sciences du lan­gage, nous ten­te­rons d’évaluer ce qu’il advient aujourd’hui de ces notions dans le cadre de dif­fé­rentes approches énon­cia­tives du sens.

Les approches en ques­tion s’inscrivent dans une tra­di­tion dont l’un des pion­niers, à qui l’histoire n’a sans doute pas encore com­plè­te­ment ren­du jus­tice, est incon­tes­ta­ble­ment Charles Bal­ly. Oswald Ducrot recon­naît notam­ment avoir pui­sé chez Bal­ly cer­taines obser­va­tions fon­da­trices de sa concep­tion selon laquelle les phrases de la langue qua­li­fient leur propre énon­cia­tion comme éma­nant de dif­fé­rentes voix, de dif­fé­rents points de vue.

Après celles de Bakh­tine et de Bal­ly, cer­taines pro­po­si­tions de Ducrot seront prises en compte et confron­tées à d’autres approches. Il appa­raî­tra que cette notion de poly­pho­nie est encore loin d’être sta­bi­li­sée, mais qu’elle annonce peut-être un vrai renou­vel­le­ment de nos concep­tions du sens. À condi­tion de s’entendre et de par­ve­nir à har­mo­ni­ser les forces en pré­sence, les approches et ten­ta­tives de des­crip­tions diverses, por­tant sur des faits poly­pho­niques plus ou moins appa­ren­tés. Cette étude vou­drait y contribuer.

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