Du figement au défigement des unités lexicales

Laurent Per­rin,
Uni­ver­si­té de Paris Est Cré­teil, CEDITEC, EA 3119
lperrinaiassa@gmail.com laurentperrin.com

Dans Gérard Petit, Patrick Haillet et Xavier-Laurent Sal­va­dor (dir.)

La déno­mi­na­tion : lexique et dis­cours, Paris, Cham­pion, 2017, p. 185–202

 


 

Intro­duc­tion

Au sens le plus large, le fige­ment lin­guis­tique peut être défini comme ce qui entrave la mobi­lité de toute com­bi­na­toire morpho-syntaxicosémantique ou inférence prag­ma­tique. Le fige­ment concerne l’ensemble des idio­tismes, des métaphores lexicalisées aux locu­tions, phrases idio­ma­tiques et pro­verbes. Contrai­re­ment aux expres­sions libres, les expres­sions figées ont un sens lexi­cal uni­taire glo­ba­le­ment codé, certes par­tiel­le­ment ana­ly­sable, mais qui ne repose pas intégralement sur la com­po­si­tion de ses par­ties. Le sens des expres­sions figées ne se com­pose pas, mais se décompose ou se recom­pose en contexte, selon les contraintes de son sens lexi­cal uni­taire ; il ne se construit pas, mais se déconstruit dans l’interprétation, en vue de redis­tri­buer le fruit des énonciations passées de l’expression qui s’est pro­gres­si­ve­ment lexi­ca­lisé. A l’interface de la lin­guis­tique et de la prag­ma­tique, de la langue et de la parole, sous un angle à la fois dia­chro­nique et syn­chro­nique, le sens des expres­sions figées ren­verse l’ordre habi­tuel­le­ment impar­ti à la for­ma­tion et à l’interprétation de l’expression[1]Cette étude recoupe cer­tains éléments abordés notam­ment dans Per­rin (2013), dans le cadre d’un numéro de la revue Pra­tiques consacré aux formes de fige­ment lin­guis­tique, ain­si que de défigement interprétatif et dis­cur­sif. L’objectif est ici à la fois de préciser cer­tains points, ain­si que de généraliser à l’ensemble des formes de fige­ments, diverses hypothèses ini­tia­le­ment centrées sur le sens des locu­tions dans une œuvre de Gio­no..
Lire la Suite

Notes

Notes
1 Cette étude recoupe cer­tains éléments abordés notam­ment dans Per­rin (2013), dans le cadre d’un numéro de la revue Pra­tiques consacré aux formes de fige­ment lin­guis­tique, ain­si que de défigement interprétatif et dis­cur­sif. L’objectif est ici à la fois de préciser cer­tains points, ain­si que de généraliser à l’ensemble des formes de fige­ments, diverses hypothèses ini­tia­le­ment centrées sur le sens des locu­tions dans une œuvre de Giono.

L’ironie mise en trope. Du sens des énoncés hyperboliques et ironiques

Paris, Kimé, 1996, 236 pages

 


 

L’IRONIE

MISE EN TROPE

DU SENS DES ÉNONCÉS

HYPERBOLIQUES ET IRONIQUES

 

 

ÉDITIONS KIMÉ
2 IMPASSE DES PEINTRES
PARIS IIème
ISBN 2–84174-039–0
© Éditions Kimé, Paris, 1996

PRéAMBULE

Á l’o­ri­gine eirôn signi­fiait, en grec ancien, rusé, malin, tri­cheur. Péjo­ra­tif chez Démos­thène, il s’ap­plique à un homme qui feint l’i­gno­rance afin d’é­chap­per à ses res­pon­sa­bi­li­tés de citoyen. Dans La Répu­blique de Pla­ton, Thra­sy­maque reproche à Socrate ce qu’il prend pour de la lâche­té, de la ruse : « O Héra­clès ! s’é­cria-t-il, la voi­là bien l’i­ro­nie habi­tuelle de Socrate ! Je le savais et je l’a­vais pré­dit à ces jeunes gens que tu ne vou­drais pas répondre, que tu simu­le­rais l’i­gno­rance, que tu ferais tout plu­tôt que de répondre aux ques­tions que l’on te pose­rait » (Pla­ton, 1966, 85). Dès lors, le terme d’eirô­neia va prendre pour objet, en pre­mier lieu, la tech­nique ora­toire de Socrate dans les dia­logues pla­to­ni­ciens, une tech­nique fon­dée sur l’in­ter­ro­ga­tion faus­se­ment naïve, sur la cré­du­li­té feinte. L’i­ro­nie de Socrate a une double fina­li­té. Dépour­vue de lâche­té mais non de ruse, elle est à la fois sub­ver­sive et péda­go­gique, car elle vise d’une part à démas­quer et à confondre l’er­reur sous-jacente à la pré­ten­due sagesse des sophistes, et d’autre part à mieux ins­truire et per­sua­der c’est-à-dire à réta­blir la véri­té. Dans sa thèse sur l’i­ro­nie « constam­ment rap­por­tée à Socrate », Kier­ke­gaard sou­ligne que cette dua­li­té fait pro­blème. Après avoir obser­vé qu’à tra­vers son iro­nie « Socrate simule l’i­gno­rance et, sous cou­vert de se lais­ser ins­truire, [qu’il] enseigne autrui », Kier­ke­gaard rap­pelle que « Socrate use de la même iro­nie quand il désire confondre les pro­cé­dés des sophistes. Nous nous heur­tons ici à une dif­fi­cul­té, ajoute-t-il ; dans le pre­mier cas Socrate veut ensei­gner, dans le second, il se contente de confondre » (1975, 241). Com­ment expli­quer en effet que l’i­ro­nie per­mette à Socrate à la fois d’ins­truire et de confondre ? Non que ces deux fina­li­tés soient contra­dic­toires, qu’elles s’ex­cluent réci­pro­que­ment, mais com­ment s’ar­ti­culent-elles ? Com­ment tiennent-elles ensemble ? Cette ques­tion se situe, en quelque sorte, à l’ho­ri­zon de nos pré­oc­cu­pa­tions. La concep­tion de l’i­ro­nie ver­bale qui sera défen­due dans cette étude per­met d’y répondre très simplement.

Lire la Suite

L’intensification dans l’hyperbole et la litote

Dans A. Horak (dir.)
L’hyperbole rhé­to­rique
Tra­vaux neu­châ­te­lois de lin­guis­tique, 2014–2015, 43–61

 


 

Laurent PERRIN
Uni­ver­si­té de Paris-Est Cré­teil, Céditec

Diese Stu­die befasst sich mit dem Zusam­men­hang zwi­schen den quan­ti­ta­ti­ven Eigen­schaf­ten der Bedeu­tungs­in­ten­sität und den enun­zia­ti­ven Merk­ma­len der lin­guis­ti­schen und rhe­to­ri­schen Inten­si­vie­rung. Der erste Teil der vor­lie­gen­den Arbeit ana­ly­siert die spra­chli­chen Aspekte der kon­zep­tuel­len Inten­sität und der enun­zia­ti­ven Inten­si­vie­rung. Im zwei­ten Teil wer­den die inter­nen Merk­male die­ser Inten­si­vie­rung sowie die exter­nen Eigen­schaf­ten des pro­po­si­tio­na­len Aus­drucks unter­sucht. Im drit­ten und vier­ten Teil wird die rhe­to­rische Inten­si­vie­rung dur­chleuch­tet, welche die Hyper­bel und die Litotes cha­rak­te­ri­siert. Der fünfte und letzte Teil bes­chreibt die Ver­bin­dun­gen zwi­schen der rhe­to­ri­schen Inten­si­vie­rung, dem Sar­kas­mus und der Ironie.

On a tous en mémoire la célèbre « tirade du nez » d’Ed­mond Ros­tand, où Cyra­no répond par une leçon de rhé­to­rique (« Ah ! non. C’est un peu court jeune homme…!») à la timide ten­ta­tive d’in­ter­ven­tion à effets d’in­ten­si­fi­ca­tion du vicomte de Val­vert (« Vous… vous avez un nez… heu… un nez… très grand »), que Cyra­no ne juge pas à la hau­teur de son appen­dice nasal. For­mel­le­ment indis­so­ciable des pro­cé­dés séman­ti­co-prag­ma­tiques de l’in­ten­si­té et de l’in­ten­si­fi­ca­tion dans le lan­gage, la longue suc­ces­sion d’hy­per­boles en quoi consiste la fameuse tirade res­ti­tue en revanche à sa juste mesure la dimen­sion du nez de Cyrano.

Lire la Suite