Comment l’ironie vise une cible
Si l’approche de Sperber et Wilson, comme nous le verrons bientôt, ne parvient pas à saisir ce qui caractérise spécifiquement l’ironie parmi les faits de mention en général et les procédés tropiques en particulier, il faut garder à l’esprit qu’elle a néanmoins certains avantages que ne présentent ni les conceptions strictement lexico- sémantiques de l’ironie comme transfert conceptuel, ni même les conceptions plus récentes, comme celle de Kerbrat-Orecchioni, qui assimilent l’ironie à une figure de pensée par antiphrase dévalorisante. Sperber et Wilson (1978) soutiennent avec raison que leur conception de l’ironie comme mention permet d’éclairer différents aspects du phénomène que d’autres approches ont parfois évoqués mais dont elles ont toujours été incapables de rendre compte. Même si l’on admet par conséquent que l’ironie ne tient pas à un fait de mention pure et simple et relève, comme nous le verrons, d’un double jeu énonciatif contradictoire, l’hypothèse selon laquelle cette dernière consiste à faire écho à un discours ou à un point de vue que l’ironiste prend pour cible me paraît néanmoins incontournable, notamment pour rendre compte de la raillerie systématiquement présente dans l’ironie. Je reviens donc sur cette question qui a déjà été sommairement traitée au chapitre 3.
Pour Kerbrat ‑Orecchioni, nous l’avons vu, la raillerie ironique tient au contenu véhiculé à travers une antiphrase consistant à dévaloriser l’objet qu’elle prend pour cible. Une telle hypothèse est immédiatement contredite par le fait que toute antiphrase ne consiste pas nécessairement à dévaloriser son objet et que, de toute façon, même dans ce cas, l’ironie qui la sous-tend ne prend pas nécessairement l’objet en question pour cible. Pour rendre compte du fait que l’ironie est raillerie, il faut impérativement renoncer à évoquer ce qui est communiqué par antiphrase et chercher une explication du côté de ce qui est exprimé littéralement. Même s’il peut en effet se trouver qu’une ironie consiste accessoirement à railler celui qui par ailleurs est déprécié par antiphrase, la raillerie n’est aucunement tributaire de cette dépréciation qui ne relève pas, quant à elle, de ce qui est exprimé littéralement mais uniquement de ce qui est communiqué figurément.
A la rigueur, s’il fallait absolument chercher à régler la question de la raillerie dans le cadre d’une conception de l’ironie comme figure de pensée par simple antiphrase, une solution consisterait à admettre que l’ironiste, en prétendant employer et communiquer ce qu’il exprime, tourne en dérision toute personne susceptible de prendre cette prétention au sérieux et par conséquent de ne pas percevoir la fausseté, l’absurdité de ce qu’il exprime. En affirmant, comme Cicéron, que l’ironie consiste « par une raillerie continue, dissimulée sous un ton sérieux, à parler autrement que l’on ne pense » (Le Guern, 1976, 51) ou encore, comme Fontanier, « qu’elle consiste à dire, par manière de raillerie, tout le contraire de ce que l’on pense ou de ce que l’on veut faire penser » (1976, 200), certains rhétoriciens ont ainsi pressenti une conception selon laquelle l’ironie consisterait à railler celui qui prendrait au sérieux les prétentions énonciatives et communicatives du locuteur. Cette solution est nettement préférable à la précédente car elle permet de définir la raillerie ironique à partir de ce qui est exprimé et prétendument communiqué littéralement plutôt qu’à partir de ce qui est communiqué figurément. Mais elle présente cependant l’inconvénient de ne pas permettre d’assimiler celui que l’ironiste prend pour cible et celui à qui il s’adresse. L’ironisé doit alors être nécessairement dissocié du destinataire de l’ironie, qui bien entendu ne prend pas au sérieux les prétentions du locuteur et par conséquent ne saurait interpréter littéralement ce qui est exprimé ironiquement. Le simple fait de percevoir et d’interpréter correctement une ironie, dans cette optique, aurait immédiatement pour conséquence de placer l’interprète hors d’atteinte de la raillerie, de neutraliser ou tout au moins d’atténuer la valeur offensive de l’ironie à son égard. Or il faut admettre que l’ironie consiste souvent à prendre pour cible celui qui en est également le véritable destinataire, et ceci sans que sa valeur de raillerie ne soit en rien affaiblie. Dans l’exemple (28) notamment, analysé au chapitre précédent, Rameau est à la fois le destinataire et la cible de l’ironie du Philosophe et sa capacité à percevoir et à interpréter une telle ironie ne diminue en rien son rôle de victime. C’est le cas également dans l’exemple suivant, comme en témoigne la réplique de Léo :
(52) Yvonne : Il n’y a rien d’extraordinaire à ce que des maniaques, des fous, des romanichels, des voleurs d’enfants, une famille qui habite une roulotte…
Léo : Tu plaisantes, Yvonne, parce que j’ai dit que vous habitiez une roulotte. Mais c’est exact. Je le répète. Et il est exact aussi que vous êtes des fous. (Cocteau, Les Parents terribles)
Cet exemple fait ressortir la faiblesse des deux solutions envisagées précédemment pour rendre compte de la façon dont l’ironie vise une cible, solutions respectivement fondées sur une conception de l’ironie comme antiphrase dévalorisante et comme mystification de celui qui est raillé. D’une part en effet l’antiphrase ne consiste pas dans ce cas à dévaloriser son objet (le mode de vie d’Yvonne et de sa famille) qui de toute façon n’est pas pris pour cible de l’ironie d’Yvonne. D’autre part la raillerie dont Léonie fait l’objet n’est en rien atténuée par le fait que cette dernière (la sœur d’Yvonne) est également la destinatrice de l’ironie. Contrairement à la précédente, cette seconde explication a certes le mérite d’identifier correctement la cible de l’ironie (qui n’est pas forcément dévalorisée par antiphrase), mais elle a l’inconvénient de ne pas pouvoir expliquer que la raillerie est généralement d’autant plus cruelle que l’ironie s’adresse précisément à celui qu’elle prend pour cible. Pour rendre compte de la raillerie qui est en jeu dans l’ironie, il faut impérativement s’en remettre à l’explication de Sperber et Wilson et admettre que cette composante tient exclusivement au fait que l’ironie consiste à faire indirectement écho au discours ou au point de vue de celui qui est raillé, disqualifié par l’ironiste.
On peut ainsi non seulement identifier la cible de l’ironie, mais analyser la nature de la raillerie sans impliquer que l’ironisé doive nécessairement se laisser abuser par les prétentions de l’ironiste. L’analyse de Sperber et Wilson n’implique même pas que l’ironisé soit présenté comme susceptible d’avoir pu assumer à la lettre ce qui est exprimé dans l’énoncé. S’il peut arriver occasionnellement que l’ironiste se contente de reformuler mot pour mot le discours auquel il fait écho, s’il n’est pas exclu que l’ironisé prenne parfois même au sérieux les prétentions de l’ironiste, le procédé de la raillerie n’impose nullement que de telles conditions soient satisfaites. L’exemple précédent fait apparaître que l’ironie d’Yvonne ne consiste ni à présenter Léo comme susceptible de prendre au sérieux ses prétentions énonciatives et communicatives, ni même à reproduire mot pour mot ses propos antérieurs où il n’était pas question, comme elle le précise, de maniaques et de fous mais seulement d’une roulotte. Léo confirme dans sa réponse que si elle est visée par l’ironie d’Yvonne, c’est seulement par le biais d’une allusion très indirecte à ses propos antérieurs.
Il n’est pas inutile de préciser que pour faire ressortir le caractère potentiellement indirect de la mention en général et donc de la mention ironique en particulier, Sperber et Wilson (1989) ont élaboré récemment la notion d’«usage interprétatif ». Plutôt que de parler d’«emploi » et de « mention », Sperber et Wilson parlent aujourd’hui d’«usage descriptif » et d’«usage interprétatif » d’une forme propositionnelle, selon que le locuteur cherche à représenter le monde et à communiquer ce qu’il exprime ou au contraire à « interpréter » plus ou moins fidèlement une pensée ou un propos qu’il prend pour objet de ce qu’il cherche à communiquer. Dans le second cas, le locuteur n’est aucunement tenu de reproduire à la lettre ce qu’a dit ou pensé autrui. Il suffit que ce qu’il exprime entretienne une relation de ressemblance propositionnelle plus ou moins marquée à l’égard de ce qui est supposé avoir été dit ou pensé, qu’il partage un certain nombre d’effets contextuels avec le discours ou le point de vue d’autrui, pour que l’usage interprétatif d’une forme propositionnelle puisse être envisagé[1]Sperber et Wilson parlent maintenant d”«interprétation au second degré » (1989, 356) pour désigner ce qu’ils entendaient précédemment par « mention ». Pour bien saisir ce dernier point, il faut se reporter supra, au chapitre 1, où il est précisé que fondamentalement, selon Sperber et Wilson, n’importe quel énoncé est une « interprétation » plus ou moins fidèle, plus ou moins « littérale », d’une pensée du locuteur. En vertu du principe de pertinence, le locuteur est de toute façon amené à « interpréter » sa propre pensée en explicitant une proposition qui « ressemble » … Continue reading. Pour plus de simplicité terminologique — et en particulier pour ne pas créer de confusion autour de la notion d’interprétation, réservée jusqu’ici à l’interprète — je continuerai à parler de « mention » plutôt que d’«usage interprétatif d’une forme propositionnelle », étant entendu que les faits de mention auxquels Sperber et Wilson assimilent l’ironie sont généralement plus ou moins indirects. Ainsi dans l’exemple suivant l’ironie d’Acaste évolue progressivement vers des reformulations de plus en plus indirectes des propos de Clitandre (Tu te flattes, mon cher, et t’aveugles toi-même) :
(53) Clitandre : Tu penses donc, Marquis, être fort bien ici ?
Acaste : J’ai quelque lieu, Marquis, de le penser ainsi.
Clitandre : Crois-moi, détache-toi de cette erreur extrême ; / Tu te flattes, mon cher, et t’aveugles toi-même.
Acaste : Il est vrai, je me flatte et m’aveugle en effet.
Clitandre : Mais qui te fait juger ton bonheur si parfait ?
Acaste : Je me flatte.
Clitandre : Sur quoi fonder tes conjectures ?
Acaste : Je m’aveugle.
Clitandre : En as-tu des preuves qui soient sûres ?
Acaste : Je m’abuse, te dis-je.
Clitandre : Est-ce que de ses vœux / Célimène t’a fait quelques secrets aveux ?
Acaste : Non, je suis maltraité.
Clitandre : Réponds-moi, je te prie.
Acaste : Je n’ai que des rebuts.
Clitandre : Laissons la raillerie, / Et me dis quel espoir on peut t’avoir donné.
Acaste : Je suis le misérable, et toi le fortuné : / On a pour ma personne une aversion grande, / Et quelqu’un de ces jours il faut que je me pende. (Molière, Le Misanthrope).
Après avoir reproduit quasiment mot pour mot les propos de celui qu’il prend pour cible, Acaste se contente ensuite de faire implicitement écho au seul contenu propositionnel des propos en question en mettant progressivement en jeu un ensemble d’effets contextuels qui finit par outrepasser largement la pensée préalablement formulée par Clitandre, mais sans cesser pour autant d’entretenir à son égard une relation de ressemblance propositionnelle qui permet à Acaste de prendre Clitandre pour cible de son ironie. En stipulant que l’ironie consiste à faire indirectement écho au discours ou au point de vue de celui qui est pris pour cible, Sperber et Wilson nous donnent ainsi les moyens d’expliquer qu’elle permette de railler quelqu’un, non seulement sans lui cacher qu’on le raille, mais même sans lui imputer mot pour mot ce qu’on exprime. Ce qui est alors essentiel, pour identifier la cible d’une ironie, ce n’est pas de mettre la main sur un individu susceptible d’avoir pris mot pour mot à son compte ou d’interpréter littéralement ce qui est exprimé, mais bien de percevoir l’énoncé en question comme faisant indirectement écho à un discours ou à un point de vue que le locuteur rejette et désapprouve, tout en condamnant a fortiori quiconque serait susceptible de le soutenir ou de l’avoir soutenu même sous une forme plus nuancée. Dans l’optique de Sperber et Wilson, l’ironiste ne s’en prend pas nécessairement directement à un individu capable d’interpréter sérieusement ou d’énoncer mot pour mot ce qu’il exprime, il s’en prend généralement indirectement à un discours ou à un point de vue proche de ce qu’il exprime, mais qu’il prend soin de présenter le plus souvent sous une forme tout à fait inacceptable, même pour celui qu’il prend pour cible.
En décrivant l’ironie comme un fait de mention indirecte susceptible de porter sur la simple forme propositionnelle d’un discours ou d’une opinion, Sperber et Wilson nous donnent de surcroît les moyens de rendre compte du fait que si tout énoncé ironique est l’objet d’une énonciation et réalise de ce fait un acte illocutoire, non seulement un tel énoncé ne fait pas nécessairement écho à un acte illocutoire identique lorsque l’ironie prend pour cible un discours, mais même ne fait aucunement écho à un acte illocutoire lorsqu’elle prend pour cible une simple opinion qui n’a pas fait l’objet d’une énonciation précisément définie. Considérons à ce sujet l’exemple suivant, déjà abordé au chapitre précédent à propos de l’antiphrase :
(29) Lui : Quel âge a votre enfant ?
Moi : Cela ne fait rien à l’affaire.
Lui : Quel âge a votre enfant ?
Moi : Et que diable, laissons là mon enfant et son âge, et revenons aux maîtres qu’elle aura.
Lui : Pardieu ! je ne sache rien de si têtu qu’un philosophe. En vous suppliant très humblement, ne pourrait-on savoir de monseigneur le philosophe quel âge à peu près peut avoir mademoiselle sa fille ? (Diderot, Le Neveu de Rameau)
Pour rendre compte de l’ironie mise en jeu par la dernière question de Rameau et plus précisément de sa faculté de viser une cible, il faut admettre qu’elle consiste à produire un certain nombre d’effets capables de recouper un prétendu sentiment de supériorité que Rameau impute au Philosophe, mais ceci évidemment sans l’accuser d’avoir exprimé ce sentiment à travers une question portant sur l’âge de sa fille. L’ironie de Rameau ne consiste ni à présenter son interlocuteur comme susceptible de prendre au sérieux ce qu’il exprime au sujet de sa prétendue supériorité, ni à lui imputer la question qui lui est adressée, mais seulement à faire très indirectement écho aux rebuffades de son interlocuteur qu’il interprète comme une façon détournée de le prendre de haut, de manifester un certain mépris à son égard. Encore une fois, compte tenu de ce type d’exemple, seule l’approche de Sperber et Wilson permet d’expliquer comment l’ironie vise une cible.
Afin de rendre justice sur ce point à leur analyse, je précise encore qu’elle permet par ailleurs d’expliquer d’autres aspects de l’ironie comme le fait qu’elle consiste plus fréquemment à exprimer un jugement favorable que défavorable, et corrélativement à communiquer par antiphrase plutôt un jugement défavorable que favorable. Selon Sperber et Wilson, si l’ironie consiste souvent à dire le bien — et corrélativement pour nous à faire entendre le mal à travers une antiphrase dévalorisante — c’est que les jugements critiques sont plus généralement attachés à des opinions particulières, non associées à des points de vue généraux ou à des lieux communs, et ne sont ainsi disponibles, comme cibles potentielles d’une ironie, que lorsqu’ils ont été effectivement soutenus par quelqu’un[2]Une telle hypothèse est développée en détail et illustrée expérimentalement par Kreuz et Gluksberg (1989), à partir de leur « echoic reminder theory of verbal irony » qui est sur ce point tout à fait en accord avec l’analyse de Sperber et Wilson. :
[…] cette asymétrie se comprend aisément dans la conception avancée ici. En effet les normes sont générales, partagées, sans cesse invoquées et donc toujours assez présentes à l’esprit pour que leur mention prenne le caractère d’un écho. Au contraire les jugements critiques sont particuliers ; leur mention ne fait qu’occasionnellement écho à un souvenir. Ainsi il est toujours possible de dire ironiquement d’un échec C’est une réussite !, car toute action comporte l’espoir de son accomplissement. Mais pour dire d’une réussite C’est un échec ! sans que l’ironie tombe à plat, il convient que les interlocuteurs aient en mémoire des doutes sur la réussite, auxquels l’ironie ferait écho. En face d’une réalité imparfaite on peut toujours mentionner ironiquement la norme ; en face d’une réalité parfaite, il faut pouvoir évoquer le souvenir d’une crainte ou d’un doute pour que la mention d’un jugement dépréciatif ait valeur d’ironie. (1978, 410)
Un autre intérêt de l’analyse de Sperber et Wilson tient au fait qu’elle permet d’expliquer l’étroite parenté souvent relevée, mais jamais clairement définie, entre ironie et parodie[3]Voir notament Hutcheon (1978 et 1981).. Selon Sperber et Wilson, « la parenté et les différences entre ironies et parodies, de même que l’existence de cas intermédiaires, sont à expliquer par le fait que […] les parodies sont apparentées au style direct comme les ironies le sont au style indirect libre » (1978, 409). Si en effet l’ironie consiste à faire indirectement écho à un discours ou à un point de vue qu’elle prend pour cible, on peut alors admettre que la parodie est une forme d’ironie qui consiste à faire écho non seulement à la forme propositionnelle mais aussi partiellement à la forme linguistique d’un discours. La parodie ne serait ainsi qu’une forme particulière d’ironie qui s’en prend non seulement au contenu mais également à la forme linguistique du discours qu’elle prend pour cible et devrait donc être apparentée à un écho direct ou partiellement direct.
Un autre avantage encore de l’analyse de Sperber et Wilson a trait au changement de registre stylistique qui accompagne parfois l’ironie et qui s’explique aisément si l’on admet que cette dernière consiste à faire écho au discours ou au point de vue d’autrui. Dans l’exemple (29) notamment le changement de style est très sensible. L’ironie du Neveu s’accompagne en effet d’un style pompeux qui contraste nettement avec la sobriété tranchante des propos sérieux qui précèdent. Or il est tout à fait aisé d’en rendre compte, en considérant que le Neveu fait alors non seulement écho à une opinion mais à une forme linguistique, à un style emphatique, également imputé au philosophe. A travers l’ironie du Neveu, le Philosophe est accusé non seulement de se croire supérieur mais encore de recourir au style grandiloquent et affecté qui accompagne ce prétendu sentiment de supériorité.
Notes
⇧1 | Sperber et Wilson parlent maintenant d”«interprétation au second degré » (1989, 356) pour désigner ce qu’ils entendaient précédemment par « mention ». Pour bien saisir ce dernier point, il faut se reporter supra, au chapitre 1, où il est précisé que fondamentalement, selon Sperber et Wilson, n’importe quel énoncé est une « interprétation » plus ou moins fidèle, plus ou moins « littérale », d’une pensée du locuteur. En vertu du principe de pertinence, le locuteur est de toute façon amené à « interpréter » sa propre pensée en explicitant une proposition qui « ressemble » plus ou moins à ce qu’il a à l’esprit (i.e. dont les effets contextuels recoupent en partie ce qu’il a à l’esprit). Dans cette perspective, les faits de mention sont donc des faits d”«interprétation au second degré » puisque tout énoncé vise d’abord à « interpréter » une pensée du locuteur, « interprétation » qui peut servir à représenter un état de chose lorsque ce qui est exprimé est employé, mais qui peut aussi servir à « interpréter » un discours ou une pensée visant à représenter un état de chose. Selon Sperber et Wilson, les mentions sont donc des « interprétations » d”«interprétations » de pensées ou de propos. |
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⇧2 | Une telle hypothèse est développée en détail et illustrée expérimentalement par Kreuz et Gluksberg (1989), à partir de leur « echoic reminder theory of verbal irony » qui est sur ce point tout à fait en accord avec l’analyse de Sperber et Wilson. |
⇧3 | Voir notament Hutcheon (1978 et 1981). |